Aussi surprenante que soit la venue de Duke Ellington en Forez, elle constitue un évènement indissociable et fondateur de Goutelas.
Cette question revient sans cesse lorsque l’on parle de Duke Ellington en France : Pourquoi l’artiste américain a-t-il passé trois jours en plein cœur de la campagne Forézienne ? Ce qui est plus étonnant encore, c’est de savoir que cette expérience l’a tellement marqué qu’il en a consacré un chapitre entier dans son autobiographie, bien plus long que celui qui traite de ses nombreuses visites à Paris.
Duke Ellington, compositeur et jazzman hors pair, est en 1966, mondialement connu et reconnu. Il a été reçu dans toutes les grandes maisons de ce monde mais c’est par le château de Goutelas, alors ouvert aux quatre vents, qu’il va être séduit, au point de composer, en 1971, une œuvre construite en six mouvements et baptisée la Goutelas Suite.
C’est par une nuit froide de Février 1966, qu’il sera accueilli par une centaine de bénévoles et une haie de flambeaux. Ces mêmes bénévoles qui ont redonné vie à cette bâtisse, foyer de l’Humanisme depuis le moyen-âge jusqu’à nos jours. Impressionné et ému, Duke Ellington leur déclara « Je vous salue frères ». Des mots qui résonnent si forts quand on sait que certains n’avaient jamais vu un homme noir de leur vie, mais des mots mûrement réfléchis tout comme le choix du premier morceau que va jouer Ellington dans ce concert solo inédit : New World A-Comin ou Symphonie pour un nouveau monde composé en 1945. Il s’agit là, pour Ellington, d’entrevoir un monde meilleur pour les noirs américains dans cette période d’après-guerre. Malheureusement, la vraie mixité sociale, Duke Ellington ne la trouvera qu’une vingtaine d’années plus tard, à Goutelas où intellectuels, agriculteurs, ouvriers syndiqués ou non, artistes venus de toutes parts , hommes de foi et non-croyants vont œuvrer main dans la main pendant plus de dix ans pour une cause commune : la reconstruction d’un symbole, le Château de Goutelas, foyer d'humanisme au XVIème siècle.
C’est ainsi que Duke Ellington devient lui aussi un acteur important de cette renaissance. Sa présence fera l’objet de mises en scène de la part des journalistes de Paris Match. Mais ce qu’Ellington est venu chercher ici est tout autre. Il est venu côtoyer un monde à l'opposé du sien à la recherche de valeurs qui lui sont chères : solidarité, complicité , fraternité, désintéressement et tout simplement humanisme.
Les années ont passé mais 50 ans plus tard, la Goutelas Suite résonne encore dans cette bâtisse fortifiée. Goutelas est toujours un catalyseur que la jeunesse locale s’approprie pour organiser des festivals éco-participatifs, pour danser sur du Duke Ellington mixé et revisité. Goutelas est encore et toujours un lieu de Rencontres (labellisé CCR en mai 2015) où se succèdent des conférences sur le droit, des séminaires de Yoga, des scènes ouvertes aux artistes de la région ou des résidences. Un lieu de vie où le maître-mot est le Vivre-Ensemble dans un territoire rural en perpétuelle évolution.
Laurent Lukic est un jeune réalisateur d'origine stéphanoise, féru de Jazz et amoureux de son Forez natal. Son premier long-métrage documentaire Une Poule sur un Piano relate la visite de Duke Elligton à Goutelas.


