"L’expérience du travail collectif à Goutelas a été un modèle déterminant pour l’ensemble de mon parcours professionnel…"
L’expérience du travail collectif à Goutelas a été un modèle qui a inspiré l’ensemble de mon parcours professionnel au service de différents projets éducatifs.
En 1965, j’ai 28 ans, je suis titulaire d’une licence de droit et je travaille comme assistant au Centre d’éducation ouvrière (CEO) où je fais la connaissance de Paul Bouchet, qui m’explique les grandes lignes du projet de restauration du Château de Goutelas et m’invite à y participer.
Le contact direct avec le chantier, l’enthousiasme, le dynamisme, la générosité, le désintéressement des hommes et des femmes qui s’affairaient aux différents travaux de déblaiement et de reconstruction m’ont beaucoup impressionné. Ayant voulu travailler pour financer mes études, j’avais acquis des compétences dans le bâtiment, ce qui m’a très vite incité à passer du coup de main occasionnel à une participation active soutenue : travaux techniques de pose de parquets, menuiserie… et des travaux de simple « grouillot » au service d’ouvriers qualifiés (maçons, électriciens, etc…).
J’ai été fortement marqué par la façon dont nous avons pu fixer des objectifs en commun dans la restauration de Goutelas à court et à long terme, et vivre, entre les différents groupes, paysans, ouvriers et intellectuels, des chantiers parfois risqués et des événements culturels marquants : festival international étudiant, représentation théâtrale de Tamerlan, exposition de lithographies,venue du Mime Marceau, accueil de Duke Ellington, etc…
Parallèlement à mon engagement à Goutelas, mon parcours professionnel s’est développé dans les domaines éducatifs, médico-sociaux et de formation professionnelle. Ces différentes étapes, qui ont été l’occasion de prises de responsabilités diverses, sont indissociables des liens tissés à Goutelas et de l’esprit qui l’animait.
Yves Berger, un des avocats du Cabinet Commun où œuvrait Paul Bouchet, et un des six copropriétaires du château m’a proposé en 1970 de prendre la direction de l’Institut de formation d’éducateurs spécialisés de Lyon. Il était, parmi les quatre avocats, celui qui était engagé très fortement dans le domaine social et éducatif. Fondateur avec le Père Jaouen, Hervé Bourges et d’autres, des Amis de Jeudi-dimanche, il fut président du Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée, de la Société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence, de la Société d’enseignement professionnel du Rhône (SEPR) et de la Maison d’accueil du jeune ouvrier. Au fil de mon parcours, j’ai été amené, à sa demande, à prendre successivement la direction de ces différentes associations. J’ai été témoin de son engagement humain, pour aider, écouter et assister les jeunes et les moins jeunes ; de sa volonté de moderniser les institutions pour que l’accueil, la formation, les soins et la prise en charge générale se fassent avec la reconnaissance de leur dignité et la prise en compte de leurs droits et de leurs potentialités. J’ai appris avec lui que le travail social et éducatif allait bien au-delà de la simple aide morale et matérielle : la mise en place d’objectifs et de moyens appropriés leur permettait d’accéder à l’autonomie.
Ainsi, dans l’exercice des différentes directions générales d’associations que j’ai occupées, j’ai très souvent eu à l’esprit la façon dont on travaillait à Goutelas. Comment concilier théorie et pratique selon les différentes missions de ces établissements, comment faire en sorte que toutes les composantes puissent faire converger leur énergie pour remplir leurs fonctions : accueil, éducation et soin, formation… Le respect des différentes disciplines, l’écoute réciproque des différents acteurs et des personnes accueillies (enfants, élèves, apprentis, personnes handicapées, âgées, malades), leur coordination et la mise en perspective avec les fonctions des établissements, constituent le socle indispensable et nécessaire à toute action sociale, éducative ou de soins. Goutelas m’a appris que tout est possible et que les difficultés que l’on rencontre sont surmontables, pour peu que l’on veuille faire travailler ensemble tous les acteurs et qu’une volonté commune permette d’avancer. Pour cela il faut agir ensemble, pas uniquement pour le plaisir d’être ensemble, mais pour que les différentes compétences (métiers) des uns et des autres, en se frottant et en se complétant, permettent de trouver la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs. Travailler ensemble ne signifie pas que tout le monde fait tout, mais que chacun, dans sa technique, concourt à la réussite de l’objectif commun.
L’engagement à Goutelas et les liens tissés avec des hommes tels que Paul Bouchet et Yves Berger ont donc déterminé l'ensemble de mon parcours professionnel.
Bernard Dorel, né en 1937, mène ses études tout en étant surveillant d’externat. Après l’obtention d’une licence de droit, il est détaché au Centre d’éducation ouvrière de la Faculté de droit où il rencontre Paul Bouchet.Marqué par l’expérience de coopération de Goutelas, il conduit une carrière dans le champ éducatif qui le conduira à la direction de plusieurs établissements et associations réputés pour leur capacité d’innovation pédagogique. Il occupe ainsi successivement la fonction de direction de l’École d’éducateurs spécialisés de Lyon, de la SLEA, de la SEPR et de l’association Santé et Bien-être.


