Saison 2025-2026 : le regard de Stéphanie Hennette-Vauchez et Antoine Vauchez

Stéphanie Hennette-Vauchez © Astrid di Crollalanza / Antoine Vauchez © DR

Grand public

 

Juriste et politiste, Stéphanie Hennette-Vauchez et Antoine Vauchez s’intéressent aux enjeux de droits humains, de démocratie et de services publics, à travers leurs recherches universitaires, leurs ouvrages, et le podcast Public Pride. Complices de cette saison culturelle, elle et il nous proposent de reprendre ensemble les chemins du “public”, au carrefour de nos démocraties.

On avait été surpris de la facilité avec laquelle, au cœur des confinements décidés face à la pandémie de Covid-19, l’idée de réinventer le « monde d’après » s’était imposée.
Certain·es y avaient vu une fuite en avant vers des futurs improbables, alors que le présent se dérobait sous nos pieds. Peut-être. Mais cette projection vers l’avenir s’ancrait dans l’expérience collective, concrète et immédiate des « défauts de fabrication » de notre société. Les métiers et tâches qui apparaissaient soudain comme les plus essentiels étaient pourtant les moins valorisés : ramassage des ordures, morgues, soins aux malades, aux enfants et aux personnes âgées.

De la crise elle-même, on vit émerger des ressources et ressorts inattendus, à commencer par cet attachement aux métiers du « public » qui retrouvaient là, de l’hôpital à l’école, le sens fort de leur utilité commune.

Les mots du « public » sont comme un miroir tendu à la société. Par leur vitalité (ou leur désuétude), ils disent l’idée que celle-ci se fait d’elle-même : la façon dont elle envisage ses interdépendances comme des solidarités, sa capacité à prendre soin et à réparer ses failles. Après des décennies où les mots du public ont fait figure de stigmates, leur retour en force nous dit, finalement, la volonté de la société à renouer avec une forme de confiance en soi, voire de fierté publique (public pride). Une fierté sans arrogance, qui exprime à la fois la valeur de tous les métiers qui font tenir la société et leur capacité unique à produire et à cultiver le sentiment d’une pleine dignité et citoyenneté.

Dans cet atelier des possibles qui a progressivement ouvert ses portes, le Château de Goutelas occupe une place à part. Le droit, qui s’y pense et s’y expérimente, est en effet la technique par excellence de l’invention de nouveaux mondes ou de leur réparation. C’est avec lui que l’on ouvre des percées réalistes dans l’utopie de la réparation du monde, avec lui aussi que l’on construit les outils qui permettent de desserrer l’étau des contraintes, avec lui enfin que l’on dote les mots du « public » et du « commun » d’effets politiques concrets au cœur de nos sociétés.