La thèse de Zoé Henriques porte sur la complémentarité, au cœur du fonctionnement
de la Cour pénale internationale (CPI). Conçu comme un principe de répartition des
compétences entre la CPI et les juridictions nationales, il fait de la CPI une juridiction
de dernier ressort. Cependant, son application ne se réduit pas à un test juridique
automatique. Le Bureau du Procureur, qui dispose d’une marge d’appréciation dans
l’évaluation de la volonté et de la capacité des États à poursuivre et juger les auteurs
de crimes de droit international, mobilise à présent la complémentarité comme un
véritable instrument de politique pénale, tant pour orienter ses priorités internes que
pour encourager ou ajuster l’action des acteurs nationaux et internationaux. Cette
thèse analyse ainsi les usages concrets de la complémentarité dans la pratique, en
étudiant d’une part la pratique interne de la CPI, en montrant comment le Bureau
mobilise la complémentarité de manière flexible, parfois en tension avec les critères
jurisprudentiels du Statut de Rome (volonté, capacité, gravité) ; et d’autre part, la
pratique externe de la CPI, notamment la manière dont la complémentarité devient
un vecteur de dialogue judiciaire avec une pluralité d’acteurs – juridictions hybrides,
mécanismes onusiens, institutions régionales, ONG, société civile – dans un champ
pénal international fragmenté. En mettant en lumière les usages stratégiques
de la complémentarité, cette thèse propose ainsi une lecture renouvelée de la
complémentarité, non seulement plus comme un critère de recevabilité, mais comme
un mécanisme stratégique structurant les relations et les équilibres de la justice
pénale internationale contemporaine.